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La lutte des travailleurs/euses précaires du secteur de l’éducation en Corée

31 Juillet 2015
Bohee Choi
Bohee Choi, membre du Comité de coordination du Réseau des personnels auxiliaires du secteur de l’éducation et de la culture, nous raconte son expérience comme secrétaire d’une école secondaire en Corée.

« Tante ! »

Voilà comment étaient appelées les travailleuses précaires employées en milieu scolaire, lorsqu’il y a 13 ans, j’ai commencé à travailler en tant que secrétaire dans une école secondaire en Corée. Peu après avoir pris mes nouvelles fonctions, j’ai appris que j’avais été engagée pour remplacer l’ancienne secrétaire, jugée trop jeune, trop maniérée et trop fainéante. D’aucuns pensaient qu’en tant que femme mariée plus âgée, je ferais preuve d’une plus grande prudence et me montrerais plus dévouée.

Bien que je m’attendais à devoir effectuer des tâches « secondaires », j’étais en réalité souvent contrainte de faire ce que le directeur, son assistant ou les enseignant(e)s me demandaient, et ce, que cela relève de mes responsabilités, ou qu’il s’agisse d’une demande personnelle, voire d’une « faveur ».

Je faisais l’objet de discriminations et d’un manque total de respect. Je recevais des instructions unilatérales, sans consultation aucune. Mes collègues et mon travail étaient automatiquement qualifiés de « secondaires » – entendez par là, pas « essentiels » –, comme s’il s’agissait d’une discrimination volontaire à l’égard du personnel de soutien employé sous contrat précaire, par rapport aux enseignant(e)s. On nous appelait « Tante » – « ssi » ou « yang » en coréen –, plutôt que par un titre reconnaissant les responsabilités importantes qui nous incombaient dans le cadre de notre travail. En période de fêtes, nous n’avions pas le droit de recevoir les cadeaux qui étaient offerts à l’ensemble du personnel. Nos photos ne figuraient même pas dans les albums-souvenirs de l’école. Nous étions comme invisibles.

En coréen, le terme « ssi » constitue une appellation impersonnelle qui ne contient aucune indication de grade ou de titre. Dans la plupart des institutions, il est d’usage de s’adresser aux employé(e)s par le titre de leur fonction. Par exemple, dans les écoles où les enseignant(e)s sont appelé(e)s « Seonsaengnim », le simple fait d’utiliser l’appellation « ssi » indique un grade inférieur ou évoque un manque de respect. Le terme « yang » est utilisé de façon similaire à « ssi » pour s’adresser à des filles/jeunes femmes. Le terme « Seonsaengnim » signifie littéralement « enseignant(e) », mais est généralement utilisé pour s’adresser à des personnes occupant des emplois professionnels ou comme marque de respect.

Lorsque j’étais encore nouvelle, j’avais l’impression de ne pas pouvoir dire « non » après avoir reçu des instructions de travail injustes, ni me plaindre lorsque j’étais victime de discrimination. Mais je suis rapidement arrivée à un point où je ne pouvais plus supporter cette violation de mes droits et de ma dignité, pour la seule raison que j’étais une femme et que j’occupais un emploi précaire.

C’est alors que j’ai décidé de lutter contre ce fléau aux côtés d’autres employé(e)s précaires du secteur de l’éducation.

Tout le travail qui se déroule dans les établissements scolaires constitue une forme d’éducation. Reconnaissant ce fait, nous avons commencé à insister pour que les autres s’adressent à nous en tant que « Seonsaengnim » (enseignant). Nous avons également demandé à ce que notre travail soit reconnu comme important, plus simplement secondaire, et à ce que le mot « secondaire » soit retiré de la description de nos emplois. Nous avons appelé à avoir notre mot à dire dans les décisions relatives au fonctionnement de l’école, à l’instar du reste du personnel.

L’objectif de cette lutte consistait à établir un lien entre les efforts visant à mettre un terme à la discrimination subie par les travailleurs/euses précaires et notre idéal d’écoles démocratiques, équitables et inclusives. En d’autres termes, notre lutte faisait partie d’un plus vaste effort visant à revitaliser l’éducation et l’apprentissage véritables, face à l’invasion d’une logique néolibérale et du déni essentiel de l’être humain au sein de nos écoles.

Mes collègues et moi-même avons demandé au responsable du Syndicat coréen des enseignants (Korean Teachers’ Union, KTU) de notre école de nous apporter son soutien dans cette lutte. Nous sommes en effet convaincu(e)s que les objectifs de notre combat, et de celui des enseignant(e)s, ne diffèrent que très peu. En retour, j’ai bien entendu participé à la lutte des enseignant(e)s pour défendre une éducation démocratique et les droits syndicaux des enseignant(e)s.

C’est ainsi que les travailleurs/euses précaires ont commencé à se mobiliser, puis à se syndiquer. Par le biais de notre syndicat, nous nous sommes auto-déclaré(e)s concerné(e)s par la communauté scolaire et membres de cette dernière. Nous poursuivons notre lutte, au sein des écoles comme de la société dans son ensemble.

En Corée du Sud, l’idéologie capitaliste et le gouvernement conservateur tentent de créer des conflits entre les travailleurs/euses, sur la base de leur poste et de leur niveau de salaires, en vue de faire avancer leur programme de coupes, de privatisation et d’ajustement structurel dans les services publics. Dans ce contexte, le combat des travailleurs/euses précaires du secteur de l’éducation va bien plus loin qu’une simple lutte en faveur de nos droits en tant qu’êtres humains. Au contraire, les travailleurs/euses précaires du secteur de l’éducation et les enseignant(e)s œuvrent de concert pour défendre l’éducation publique de qualité pour tous les travailleurs/euses et tous les citoyen(ne)s.

Je suis convaincue que la situation ne varie guère en fonction des pays et que nous pourrions apprendre beaucoup les uns des autres. J’espère que, par le biais du Réseau des personnes auxiliaires du secteur de l’éducation et de la culture de l’ISP, nous pourrons partager nos expériences concrètes en matière de syndicalisation et de campagnes, en vue de faire évoluer les politiques de nos gouvernements. J’espère que ce réseau permettra aux campagnes de communication traditionnelles de développer des stratégies concrètes, dans le but de veiller à ce que la solidarité mondiale ne se limite pas aux luttes actuellement menées aux niveaux national et local. En outre, j’espère que nous pourrons bâtir une plate-forme d’action collective mondiale, qui permettra de saluer tous les travailleurs/euses pour leurs contributions majeures envers l’éducation et la société dans son ensemble.

Voir l'interview avec Bohee Choi (vidéo avec sous-titres en anglais) qui parle de la situation de travail précaire du personnel auxiliaire du secteur de l'éducation en Corée.

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