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L'objectif de ce programme est de fournir des soins maternels primaires, des soins néonataux et infantiles, d'assurer un planning familial et d'intégrer des plans de promotion de la santé. Ce programme couvre environ 60 % de la population pakistanaise. Il est considéré comme ayant changé les règles du jeu dans le pays car il a joué un rôle majeur en améliorant les résultats sanitaires dans les zones rurales. Il a également revitalisé le système de santé publique et réduit le clivage des genres dans les sphères privée et publique, qui constitue un obstacle important empêchant les femmes d'accéder à des services de base, parmi lesquels l'éducation et l'emploi. Ce programme est l'une des rares occasions pour les femmes des zones rurales d'occuper un emploi non agricole dans le secteur formel.
Malgré ces avancées, les LHW doivent affronter de nombreux défis. Au début, elles n'étaient pas considérées comme des employées de santé publique et n'avaient donc pas droit à un salaire, ni aux droits du travailleur.
Devant faire face à de très mauvaises conditions de travail sans salaire, à de longues heures, à un descriptif de poste peu clair, à l'incertitude de leur titularisation et au manque de sécurité sur le terrain, sans avoir de droits légaux reconnus par l'état, les LHW ont constitué une association en 2009 appelée All Pakistan Lady Health Workers Association (APLHWA). Elles ont lancé un mouvement national réclamant la régularisation de leurs emplois en tant que fonctionnaires. Elles ont organisé des manifestations de protestation, des conférences de presse, des sit-in, des campagnes de communication nationales et ont formé un recours auprès de la Cour Suprême du Pakistan. En 2012, lorsque l'APLHWA a organisé une grande manifestation devant la Court Suprême du Pakistan, avec le concours de LHW venues de tout le pays, le président de la Court a ordonné la régularisation de tous les employés du programme, c'est-à-dire les LHW, Lady Health Supervisors (LHS), les chauffeurs, les contrôleurs des comptes et le personnel d'encadrement.
Mais des retards administratifs en série ont fait que l'adoption de cette régularisation par les quatre provinces a pris plus de quatre ans.
Depuis, tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant pour les LHW, notamment concernant le paiement de leur salaire. Elles sont payées avec retard, les arriérés s'accumulent, les frais d'essence et d'entretien des véhicules sont refusés, sans compter que les salaires ne correspondent ni à l'ancienneté ni aux qualifications. Parmi les autres problèmes rencontrés, citons le manque de structure des services, le harcèlement sexuel, le manque de sécurité des salarié-e-s durant les campagnes de vaccination contre la polio, le refus des congés de maternité et le délabrement des installations médicales.
Devant leur absence de droits légaux dans la province de Sindh, les LHW se sont organisées au sein de l'All Sindh Lady Health Workers Association (ASLHWA) en 2013, en ayant pour objectif de lutter ensemble pour les droits des LHW de Sindh. L'ASLHWA combat l'injustice et réunit environ 25 000 travailleuses et employées du programme Lady Health Workers.
En 2016, avec le soutien de l'ISP et de l'Organisation pour la recherche et l'éducation des travailleurs (WERO), un groupe destiné à aider les travailleurs et travailleuses, l'ASLHWA a lancé une Campagne contre les salaires volés afin de souligner les conséquences qu'ont les retards de paiement, mais aussi exiger une rémunération juste et des conditions de travail décentes pour les LHW.
L'ASLHWA a organisé des réunions par district afin de renforcer les syndicats en augmentant leur rayonnement, ainsi que des réunions de lobbying pour impliquer les officiels du gouvernement, les parlementaires et les dirigeant-e-s des principaux partis politiques. Elle a organisé des conventions et a mené des recherches sur des points essentiels.
Après avoir fait campagne pendant trois ans, le syndicat a réussi à résoudre quelques problèmes majeurs de paiement des salaires. Des courriers de régularisation ont été envoyés aux LHW, le coût que représentent les salaires des LWH ont été pris en compte dans la proposition de budget pour 2017 et le syndicat s'est assuré que les critères de vérification biométriques des employées soient respectés au niveau des districts. Ces actions ont entrainé le paiement direct des salaires aux employées par le trésor public. La campagne menée parallèlement par l'ASLHEWA pour le paiement des arriérés de salaire et des frais d'essence et d'entretien a également porté ses fruits.
Malgré ses avancées extraordinaires, l'ASLHWEA n'était pas un syndicat officiellement enregistré.
La procédure d'enregistrement du All Sindh Lady Health Workers and Employees Union (ASLHWEU) a été entamée en avril 2017, lorsque le syndicat a envoyé une demande à l'autorité compétente. Conformément à l'article 9 du Sindh Industrial Relations Act (SIRA) de 2013, le registre a l'obligation d'émettre le certificat d'enregistrement dans les 15 jours suivant la réception de la demande. Pourtant, cette demande a dû subir plusieurs retards administratifs.
En juillet 2018, aidé de l'ISP, le syndicat a adopté une stratégie en trois temps pour mettre la pression afin que le gouvernement procède à l'enregistrement. Il a décidé de sensibiliser les adhérent-e-s à l'importance de cet enregistrement, d'organiser des mouvements de protestation devant les ministères du travail de différentes régions du Sindh. Il a également approuvé le lobbying auprès des parlementaires et des partis politiques, avec le soutien de syndicalistes expérimentés sympathisants, d'avocats et d'associations de la société civile, de même que d'organisations internationales du travail.
Dans un premier temps, l'ASLHWEU a mobilisé ses adhérent-e-s au niveau du district afin de les préparer à des mouvements de protestation de rue devant le ministère du travail. Le syndicat a organisé quinze réunions pour sensibiliser ses membres au niveau du district mais aussi au niveau local (tehsil) dans tout le Sindh et a organisé deux manifestations devant les ministères du travail d'Hyperabad et de Sukkur. Un sit-in organisé dans la ville d'Hyperabad a rassemblé environ 3000 LHW qui ont bloqué les rues pendant deux heures en scandant des slogans devant le ministère du travail. Actions qu'ont largement couvert les médias.
Dans un deuxième temps, la direction de l'ASLHWEU, accompagnée d'adhérent-e-s et d'autres syndicalistes, a rencontré le directeur du travail afin d'exiger que la demande d'enregistrement du syndicat soit acceptée. Ils l'ont d'ailleurs averti que plus de 24 000 adhérent-e-s descendraient dans la rue si cette demande n'aboutissait pas. Ils l'ont aussi informé du fait que l'affaire serait portée devant le comité de l'OIT au nom de la liberté d'association.
Enfin, dans un troisième temps, l'ASLHWEU a organisé des réunions de lobbying avec le tout nouveau ministre de la santé et les femmes parlementaires afin d'attirer leur attention sur la violation du droit constitutionnel des LHW par le ministère du travail. Les députées ont assuré que la question serait soulevée au parlement, ainsi que dans les réunions de leur parti.
Dans le même temps, l'ASLHWEU a également rencontré le conseiller juridique du ministère du travail et lui a fourni les éléments intéressants de jurisprudence concernant la formation de syndicats par des fonctionnaires. Ce conseiller a confirmé que les LHW étaient en droit de former un syndicat. Il aura fallu quasiment deux ans de lutte pour que le ministère du travail reconnaisse finalement l'enregistrement de l'ASLHWEU, en octobre 2018. Puisqu'il est désormais le seul syndicat de LHW enregistré, il demande maintenant un certificat lui reconnaissant le rôle d'agent de négociation collective.
L'ASLHWEU a organisé une convention à Hyderabad, le 28 décembre 2018, pour célébrer cette belle victoire et y a invité tous ses alliés pour les remercier de leur soutien inconditionnel qui leur a permis de gagner le droit d'association pour les LHW. Des remerciements particuliers ont été adressés à l'ISP et à WERO pour leur soutien entier à toutes les étapes et leur soutien à l'avenir.
Mir Zulfiqar Ali est le directeur de l'Organisation pour la recherche et l'éducation des travailleurs (WERO), basée à Karachi, au Pakistan