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L'Organisation des Nations Unies a instauré la Journée mondiale des villes, le 31 octobre, afin d'attirer l'attention de la communauté internationale sur les défis que pose l'urbanisation mondiale, mais aussi pour promouvoir un développement urbain durable. A l'occasion de la Journée mondiale des villes de l'ONU 2018, l'ISP appelle les Nations Unies, les gouvernements et les maires à stopper le recours massif au travail précaire dans les services administratifs locaux et régionaux car ils fragilisent les communautés locales, sapent la qualité et l'accessibilité des services publics locaux et entravent l'avancée vers des villes durables, ouvertes à tous et résilientes (ODD 11).
Alors que le monde connaît l'urbanisation la plus rapide de son histoire, que les événements et catastrophes climatiques extrêmes sont de plus en plus fréquents, de même que les conflits sociaux et les inégalités rampantes, il est plus que jamais nécessaire que les villes disposent de services publics urbains de qualité. Un accès sécurisé à l'eau potable et à l'assainissement, l'éclairage public et l'électricité dans les foyers, le ramassage municipal des ordures, des centres de santé communautaires, des crèches et des auxiliaires d'éducation, la police municipale, les pompiers et secours d'urgence, voici autant d'exemples des services publics vitaux que doivent fournir les administrations locales et régionales. Aucun de ces services ne serait possible sans une main d'œuvre dédiée, formée et rémunérée, issue de la communauté, traitée avec dignité et qui a la possibilité de s'exprimer.
« Des services publics locaux et urbains de qualité, c'est ce qui fait que les villes offrent de multiples possibilités et constituent de véritables moteurs du développement socio-économique inclusif. Les travailleurs et travailleuses des administrations locales et régionales qui assurent ces services publics essentiels sont les artisans de ce développement. Le fait que l'expansion urbaine créé richesse et inclusion plutôt que pauvreté, marginalisation et agitation sociale dépend de la qualité de ces services et de leur facilité d'accès dans nos villes et nos communautés locales. Lorsque les services publics sont inexistants, laissés aux mains du secteur privé, et que les travailleurs et travailleuses souffrent de leurs conditions de travail précaires, tout le monde en paie le prix » indique Rosa Pavanelli, Secrétaire générale de l'ISP.
Les idées reçues foisonnent lorsqu'on évoque les prétendus « privilèges » et conditions dont bénéficient les travailleurs et travailleuses des services publics gouvernementaux : salaire excessif, charge de travail réduite, heures ouvrées limitées et sécurité de l'emploi. Pourtant, les preuves recueillies çà et là dans le monde dépeignent une réalité bien différente.
Parmi les hommes et les femmes qui assurent quotidiennement les services publics des administrations locales et régionales (ALR), beaucoup souffrent de conditions de travail précaires, qui comprennent un ou plusieurs des éléments suivants :
Parce qu'ils sont donc plus vulnérables au travail, les travailleurs et travailleuses précaires des ALR sont plus susceptibles d'être victimes de violence au travail, de manquer de formation professionnelle et d'équipement en lien avec leur poste, de souffrir de discrimination, de travailler plus d'heures et de bénéficier de moins de possibilités d'avancement de carrière. Le fait que de nombreux pays refusent de ratifier les droits humains fondamentaux de liberté d'association et de convention collective dans le secteur public et de s'y conformer, ainsi que le manque de professionnalisation dans de nombreuses juridictions rend les travailleurs et travailleuses des ALR particulièrement vulnérables et les place à la merci des maires et des politiciens élus par les conseils locaux et régionaux, qui sont souvent peu formés et expérimentés en matière de relations de travail et qui ont des difficultés à se considérer comme des employeurs.
Les travailleuses et travailleuses des services des ALR sont souvent les premières victimes de la précarité, en raison de la disparité hommes-femmes et de la discrimination qu'elles endurent dans tous les domaines d'activité, mais aussi parce qu'elles constituent le gros des troupes de ce secteur.
Dans une récente et vaste étude de 2018, la Confédération des travailleurs municipaux (CTM) d'ARGENTINE, affiliée à l'ISP, a examiné les conditions de travail d'un échantillon de 748 travailleurs et travailleuses employés par la municipalité d'Avellaneda, de Buenos Aires. Elle a révélé que près de 90 % d'entre eux gagnaient un salaire de base inférieur au seuil de pauvreté. Parmi eux, plus de 60 % essayaient d'optimiser leurs revenus en faisant des heures supplémentaires et en travaillant le week-end, heures qui dépendaient toutefois entièrement de la volonté de l'employeur administratif local de les attribuer, les imposer ou les refuser de façon discrétionnaire. Plus de 30 % des travailleurs et travailleuses interrogés entretenaient une relation de travail instable avec la municipalité et plus de 50 % ont fait état de formes de violence au travail, dont des menaces infondées de licenciement. Sans surprise, 40 % ont déclaré ne pas avoir pu s'affilier au syndicat de leur choix au moment de leur embauche à la municipalité, les exposant davantage encore aux abus de pouvoir et à l'intimidation. Ces pratiques sont largement répandues dans le pays et contreviennent à la loi appelée « Paritarias Act » de bien des façons, y compris à la règle qui limite les emplois municipaux contractuels à 20 % des effectifs.
En FRANCE, le secteur public emploie des travailleurs et travailleuses contractuels de façon régulière et c'est dans les services des ALR que l'on constate le plus grand nombre de travailleurs et travailleuses précaires. Les chiffres de 2013 révèlent qu'un-e travailleur/euse ALR sur 5 a un emploi précaire tandis que les estimations non officielles réalisées par le syndicat des Services Publics Parisiens (SPP), affilié à la CFDT Interco membre de l'ISP, indiquent que les travailleurs et travailleuses précaires représentent 25 à 30 % dans les services administratifs locaux et régionaux français[1]. Ces travailleurs et travailleuses ne relèvent pas de la convention collective du secteur public et négocient des contrats de travail individuels qui fixent majoritairement la rémunération. Contrairement au secteur privé où les contrats précaires ne peuvent être renouvelés que dans une limite de 1,5 année, le renouvellement des contrats à court terme peut se faire presque indéfiniment dans le secteur public, sans que les travailleurs et travailleuses ne touchent de compensation pour cette instabilité.
La privatisation et l'externalisation des services publics, associées au gel des embauches dans le secteur public et aux coupes budgétaires intergouvernementales imposées par l'austérité et les politiques néolibérales, créent un terreau favorable au travail précaire dans les services publics des ALR.
France, bureaucracy, Picardie, 2006. France-B03/2007
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Bolivia, bureaucracy (police), 2005. Marlene Abigahit Choque (1982), detective at the the Homicide Department of the Potosi police. The department has only broken typewriters, no computer, no copy machine, not even telephone. It shares a car with the
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Au ROYAUME-UNI, la flambée des « contrats zéro heure » s'est agressivement propagée au service public. Une enquête de 2015, réalisée par l'Organisation mondiale du Travail (OIT), a constaté que le recours aux travailleurs et travailleuses occasionnels et intérimaires était plus répandu dans le secteur public que privé au RU. Selon l'OIT, « Près de la moitié (48 %) des employeurs du secteur public recourent à des travailleurs occasionnels, comparé à un tiers (32 %) dans le secteur privé britannique. De plus, la moitié (51 %) des employeurs du secteur public recourt à des intérimaires mis à disposition par des agences pour des périodes allant jusqu'à 12 semaines, contre 30 % des employeurs du secteur privé. »
Au JAPON, les coupes budgétaires imposées aux services des administrations locales et régionales ont abouti à la fusion des municipalités, villes et villages. Le gouvernement central a décidé de créer 1718 municipalités à partir des 3229 existantes. De nombreux emplois administratifs locaux ont été supprimés et une privatisation des services publics locaux a été lancée. Par conséquent, le nombre de travailleurs et travailleuses précaires a augmenté et constitue désormais une main d'œuvre bon marché qui doit faire face à des demandes de services de plus en plus diversifiés. Pour l'année 2017, on a recensé 640 000 travailleurs et travailleuses temporaires et non réguliers dans les services publics locaux au Japon. Les femmes représentent approximativement 75 % de cet effectif[2]. Les principaux postes affectés par le travail précaire dans les ALR sont ceux d'assistants administratifs, de garde d'enfants, de cuisiniers/cuisinières scolaires, de documentalistes et d'infirmiers/infirmières. Actuellement, indique JICHIRO, « il serait impossible de fournir ces services publics sans dépendre lourdement de ces travailleurs et travailleuses temporaires dans les services publics locaux. Pour les enseignant-e-s, gardes d'enfants, infirmiers/infirmières et d'autres professions similaires, les conditions de travail sont nivelées vers le bas malgré leurs qualifications et le fait qu'ils fassent le même travail que les travailleurs et travailleuses permanents ». La plupart des travailleurs et travailleuses temporaires dans les services publics locaux touchent un salaire moyen de 800-1000 ¥/heure (6-7 EUR). Parmi eux, nombreux sont ceux dont le salaire annuel s'élève à environ 2 millions ¥ (15 400 EUR). Ce qui représente entre le tiers et la moitié du revenu annuel d'un travailleur ou travailleuse régulier.
Liberia, bureaucracy, 2006. Liberia-38/2006 [Mon., LNS (b. 1964)]. Louise N. Smith (b. 1964) keeps files at the Department of Statistics of the Bureau for Immigration and Naturalization (BIN) in Monrovia. Monthly salary: 1,000 Liberian dollars (US$ 18, 17 euro), almost all of which is spent on transportation to and from work. Sometimes she receives nothing for three months, except for support from family in the United States. |
Liberia, bureaucracy, 2006. Liberia-19/2006 [Nye., WW (b.1963)]. Warford Weadatu Sr. (b. 1963), a former farmer and mail carrier, now is county commissioner (administrator) for Nyenawliken district, River Gee County. He has no budget and is not expecting any money soon from the poverty-stricken authorities in Monrovia. Monthly salary: 1,110 Liberian dollars (US$ 20, euro 19), but he hadn't received any salary for the previous year. |
Au BENGLADESH, on assiste aussi à une privatisation et une sous-traitance croissante des emplois dans les administrations locales et régionales, qui constituent une source de revenus traditionnellement fiable pour des familles et des communautés entières sur un marché du travail et dans des conditions sociales difficiles. Une étude financée en 2016 par le FNV-Mondiaal, affilié à l'ISPa examiné les répercussions du travail précaire sur les employé-e-s d'un service municipal de traitement des déchets dans la ville de Dhaka (nettoyage des rues/balayage, collecte des déchets et leur élimination), ainsi que d'un service d'éradication des moustiques dans la ville de Khulna (sensibilisation dans les quartiers et formation des communautés). L'étude a démontré que les services municipaux faisaient clairement une discrimination entre les travailleurs et travailleuses réguliers et les travailleurs et travailleuses précaires.
Alors que les travailleurs et travailleuses réguliers, qui représentent 40 % des effectifs du service seulement, étaient payés 16 000 BDT/mois (160 EUR) et profitaient de certains avantages (congés payés et indemnités maladie, congés annuels et primes pour heure supplémentaires), les travailleurs et travailleuses précaires qui effectuaient le même travail (appelés travailleurs et travailleuses de la « liste d'appel ») et qui représentaient 60 % des effectifs du service, étaient habituellement recrutés sur la base du « pas de travail, pas de paie », payés 475 BDT/jour(4,8 EUR) à Dhaka et 350 BDT/jour (3,5 EUR) à Khulna, sans bénéficier d'aucun avantage. Alors que les travailleuses permanentes avaient droit à 6 mois de congé maternité, les travailleuses précaires devaient trouver elles-mêmes leur remplaçante, en accord avec le superviseur, et partager avec elle leur salaire. On a constaté aussi que des travailleurs et travailleuses municipaux précaires vivaient dans des conditions extrêmement pauvres en termes de logement, d'accès à l'eau et à l'assainissement, mais aussi de santé et de sécurité.
Il s'agit ici d'un nombre limité d'exemples, mais, de façon plus générale, le manque de statistiques sur le travail et de classifications professionnelles pour les travailleurs et travailleuses des ALR dans le monde empêche de procéder à une évaluation globale de leurs conditions de travail, donc d'analyser et de formuler des politiques en la matière, ainsi que l'ont publiquement souligné l'ISP et Cités et Gouvernements Locaux Unis (UCLG) lors de la 20e Conférence internationale des statisticiens du travail.
India, bureaucracy, Bihar, 2003. India-15/2003 (Pat., SP (b. 1947)].
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USA, bureaucracy, Texas, 2007. USA-24/2007 [Lin., SC (b. 1971)]. Shannon Crenshaw (b. 1971) is deputy clerk at the county clerk s office in Linden, Cass County (some 30,000 inhabitants), Texas. Monthly salary: US$ 1,750 (euro 1,302). |
Les syndicats de travailleurs et travailleuses des administrations locales et régionales se mobilisent pour défendre des conditions de travail décentes pour les travailleurs et travailleuses des ALR, mais aussi des services publics de qualité au plan local pour les usagers et les communautés. Leur action prend des formes diverses et vise l'organisation des travailleurs et travailleuses précaires des services publics, en les poussant à exercer pleinement leur droit à la négociation collective avec les autorités locales et en s'assurant qu'une législation adéquate et de justes règles relatives aux marchés publics protègent tous les travailleurs et travailleuses des ALR, quel que soit leur statut.
En ESPAGNE, les crises économiques et politiques de ces dernières années ont entrainé une perte de pouvoir d'achat de 13,1 % pour les travailleurs et travailleuses du service public, un creusement du fossé entre les contractuels et les permanents, tant en ce qui concerne la rémunération que les conditions de travail. Durant les années de crise, la négociation collective dans les services des ALR a été inexistante et 3800 des 8112 municipalités – ce qui représente plus de 85 % des services fournis à la population espagnole – ont subi l'austérité et les coupes budgétaires du fait des mesures prises par le gouvernement Rajoy, lourdes de conséquences sur la qualité de vie des travailleurs et travailleuses des ALR, mais aussi sur les usagers des services publics locaux[3]. En mars 2018 cependant, les syndicats des services publics CC.OO., UGT et CSIF ont signé un nouvel accord collectif au niveau national qui sécurise les revenus en fixant un salaire minimum à 1200 € pour tous les travailleurs et travailleuses du secteur public, autorise à nouveau les embauches dans le secteur public après des années de gel et plafonne le recours aux contractuels à 8 % maximum des effectifs.
Après une campagne assidue, menée en novembre 2015, le Syndicat japonais des employés municipaux et préfectoraux (JICHIRO), affilié à l'ISP, a réussi à fédérer et représenter 90 des 300 travailleurs et travailleuses « non réguliers » employés par la Préfecture de Wakayama, au JAPON. Ces derniers occupaient majoritairement des postes administratifs, au service de travailleurs et travailleuses permanents, et faisaient beaucoup d'heures, y compris le week-end. Leur niveau de rémunération était bas (5950 ¥/jour= 45 EUR pour un travail de bureau d'ordre général ; 6300 ¥/jour = 48 EUR pour des postes administratifs). Certains étaient même des personnes âgées réembauchées sans statut régulier après avoir atteint l'âge légal de la retraite. Le recrutement d'un pourcentage important de travailleurs et travailleuses « non réguliers » a permis à JICHIRO d'occuper une position plus forte dans les négociations avec les autorités locales pour défendre l'égalité de traitement et la stabilité de l'emploi. Le syndicat continue de fédérer les travailleurs et travailleuses précaires dans les municipalités japonaises afin de leur conférer un pouvoir de négociation et de les pousser à faire entièrement valoir leurs droits de travailleurs et d'obtenir des conditions de travail décentes, conformément à la loi japonaise sur le service public local et à la législation sur le travail dans le secteur privé.
Au DANEMARK, une étude danoise, menée en 2014, a constaté que l'externalisation des services ALR dans les domaines de la construction et du nettoyage industriel a provoqué une précarité prenant la forme de faible rémunération, inférieure au minimum fixé dans la convention collective du secteur, mais aussi le non-respect de la législation sur le travail, aboutissant à une véritable chaine d'approvisionnement de services. Usant de leur taux de syndicalisation élevé, les syndicats des services publics danois recourent au dialogue tripartite, se réfèrent aux règles relatives aux marchés publics et à l'inspection du travail pour gérer les conséquences sociales de l'externalisation et de la privatisation des services administratifs locaux.
Le 31 octobre 2018, l'ISP appelle les administrations locales et régionales, les gouvernements centraux, l'ONU et les IFI à stopper la promotion des politiques qui génèrent du travail précaire, c'est-à-dire la privatisation, l'externalisation et les mesures d'austérité dans les services publics locaux, et les enjoint à promouvoir plutôt des conditions de travail décentes pour les travailleurs et travailleuses des ALR afin de leur permettre d'assurer les services publics de qualité dont les communautés locales et urbaines ont besoin.
Concrètement, cela signifie que les gouvernements et les employeurs dans les ALR doivent :
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[2] Syndicat japonais des employés municipaux et préfectoraux - JICHIRO ; contribution au Congrès de l'ISP 2017, Groupe de discussion sur les administrations publiques locales et régionales.