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À l’occasion du Conseil « Justice et Affaires intérieures » extraordinaire de l’UE, tenu le 14 septembre, la FSESP, représentant huit millions de travailleurs des services publics en Europe, et son alliée mondiale l’ISP, forte de 20 millions de travailleurs des services publics à travers le monde, renouvellent leur appel à la solidarité européenne, à la dignité et à une action cohérente à l’égard de la crise des réfugiés.
La réaction chaotique et parfois inhumaine vis-à-vis de l’actuelle situation d’urgence des réfugiés en Europe menace les valeurs communes sur lesquelles repose l’UE.
L’austérité coordonnée depuis des années par l’UE a entraîné des suppressions d’emplois massives dans les services publics, pourtant si nécessaires, y compris dans les services chargés de traiter les demandes d’asile. Cette austérité a clairement exacerbé une situation extrêmement difficile, qui aurait pu être anticipée. Les réfugiés d’aujourd’hui sont originaires, pour la plupart, de Syrie, mais aussi d’Afghanistan, d’Érythrée et du Kosovo. La situation de ces pays n’est pas nouvelle.
Un grand nombre de nos affiliés du sud, de l’est et du nord de l’Europe ont mis en garde contre le manque de capacité administrative pour faire face à la hausse des demandes d’asile et contre les coupes budgétaires incessantes dans le secteur de la santé (physique et mentale) et des logements sociaux, ce qui ne permet pas d’accueillir décemment les réfugiés, et encore moins de les intégrer dans la société.
Bien sûr, il faut s’attaquer aux origines de la crise des réfugiés, dans lesquelles l’Europe a sa part de responsabilité. Mais pour le moment, il faut prendre des mesures communes d’urgence, le 14 septembre, face à ce problème européen et mondial.
En avril dernier, les dirigeants des syndicats des services publics ont présenté diverses demandes dans une déclaration qui est toujours aussi urgente et valable aujourd’hui.
Cette déclaration proposait une répartition équitable des réfugiés dans les pays de l’UE, avec l’aide indispensable de services publics suffisamment dotés en personnel. Nous avons été très déçus par la décision cynique du Conseil d’accueillir seulement 40.000 réfugiés arrivés par la Grèce et l’Italie. Plus de 350.000 sont déjà entrés sur le sol de l’UE depuis début 2015 ; nous rappelons que la Turquie et le Liban ont accepté des millions de réfugiés.
Nous soutenons l’appel récemment lancé par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, António Gutierres, demandant à l’UE de mettre en œuvre une stratégie commune, basée sur la responsabilité, la solidarité et la confiance. M. Gutierres a rappelé que la situation nécessitait un « considérable effort commun » qui n’était pas compatible avec « l’actuelle approche fragmentée ». Le Haut Commissaire a signalé qu’il faudrait probablement revoir à la hausse les possibilités d’installation des réfugiés, jusqu’à 200.000 places. Il a prié l’UE d’instaurer un système d’urgence immédiat et adapté pour accueillir, assister et recenser les réfugiés, et de mobiliser à cette fin les agences et les mécanismes de l’UE chargés de l’asile et de la protection civile, ainsi que les ressources des États membres, avec le soutien du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, de l’Organisation internationale pour les migrations et de la société civile.
Par ailleurs, nous avons sollicité la suspension immédiate du règlement de Dublin, dans la logique d’un système commun de répartition équitable des réfugiés.
Suite à la décision juste du gouvernement allemand de suspendre le règlement de Dublin pour les ressortissants syriens, nous pensons que cette suspension doit s’appliquer à tous les citoyens, sans discrimination d’aucune sorte, qui réunissent les conditions pour obtenir le statut de réfugié aux termes de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 y afférent, et de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. La suspension du règlement de Dublin aura pour effet d’améliorer la situation injuste et difficile que connaissent actuellement les pays frontaliers.
Il est urgent de développer et de centraliser les ressources de l’UE avec le concours du Bureau européen d'appui en matière d'asile basé à Malte et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés afin de traiter les demandes d’asile et d’apporter toute l’aide nécessaire aux demandeurs d’asile, en coopération avec les organisations de la société civile des pays à la frontière de l’UE tels que la Grèce, l’Italie, Malte, l’Espagne, la Hongrie et la Bulgarie. Il est indispensable que les autorités locales et régionales et les agences situées à l’avant-poste disposent de ressources publiques suffisantes et de personnels bien formés qui travaillent dans des conditions décentes.
La directive de 2001 de l’UE au sujet de la protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées doit être appliquée immédiatement. En effet, cette directive prévoit des droits harmonisés pour les bénéficiaires d’une protection temporaire, notamment un permis de séjour pour toute la durée de la protection, des informations utiles sur la protection temporaire, l’accès à l’emploi, l’hébergement ou le logement, l’aide sociale ou de subsistance, l’accès aux traitements médicaux, l’éducation des mineurs, le rapprochement familial. La directive garantit également l’accès aux procédures de demande d’asile. Il est absolument inconcevable que ce mécanisme de solidarité et d’équilibre entre les États membres n’ait pas encore été déclenché. Il est grand temps de l’activer.
Nous renouvelons notre appel en faveur d’un système commun de canaux légaux de migration et de passages sans risque pour les demandeurs d’asile, dans le but d’éviter d’autres décès et de mettre un terme au commerce lucratif et mortel du trafic d’êtres humains.
Aujourd’hui, l’Europe, la deuxième région la plus riche du monde, détient le record du nombre de décès de migrants. D’après l’Organisation internationale pour les migrations, 2432 personnes ont perdu la vie depuis le début de l’année en tentant de rejoindre l’Europe.
Nous réaffirmons notre opposition à la construction de clôtures et de murs et à la réintroduction du contrôle aux frontières à l’intérieur de l’espace Schengen, ce qui n’apportera pas de solution au problème.
Ces mesures sont inefficaces car elles ne font que pousser les personnes qui fuient une situation désespérée à emprunter d’autres itinéraires tout aussi dangereux.
Elles sont très coûteuses, alors que l’argent public pourrait être utilisé de façon beaucoup plus utile en finançant l’accueil décent des demandeurs d’asile.
Elles sont criminelles, dans le sens où elles favorisent l’activité des passeurs.
De nombreux particuliers, par des actions spontanées ou par l’intermédiaire de leur syndicat, de leur association ou de leur club de sport, vous montrent ce qu’est la solidarité.
Nous vous exhortons à suivre leur exemple et à approuver une répartition juste et équitable de la responsabilité, fondée sur la solidarité et la coopération, en tenant compte des besoins des réfugiés et de leurs préférences de destination en fonction de leurs liens familiaux, communautaires et linguistiques.
À plus long terme, suite à tout ce qui vient d’être souligné, nous vous demandons instamment d’examiner de manière approfondie la politique de voisinage de l’UE, en particulier à l’égard des pays méditerranéens et du Moyen-Orient, et les accords économiques bilatéraux conclus avec des régimes autoritaires.
Enfin, nous devons éviter tout propos qui tendrait à comparer les réfugiés à une charge. Ce sont des êtres humains qui fuient le danger et la persécution. Nous avons l’obligation humanitaire de les accueillir, au nom du respect des droits humains. Faites de l’Europe un lieu sûr pour les réfugiés, maintenant. Nous ne pouvons pas remettre à plus tard.
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