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La crise économique, l'augmentation du chômage et de la demande sont à l'origine de cette situation. Mais c'est la réorganisation du système de santé en 1998 qui vient aggraver les choses. Elle prend la forme d'une réforme de l'hôpital, apportant des changements en termes de règles et politiques hospitalières, notamment pour ce qui est des modes de financement et de fonctionnement des établissements de santé publique. Ceux-ci commencent à fonctionner comme des institutions semi-privées, ce qui dresse des barrières financières pour une grande partie de la population sénégalaise et mène ainsi à une inégalité dans l'accessibilité aux soins.
L'accès aux Établissements de santé publique (PHE) est un droit humain fondamental. Et le droit à la santé est reconnu et protégé par la constitution sénégalaise ainsi que par les déclarations internationales, telles que la Charte africaine des droits de l'homme. L'accès aux soins reste toutefois inabordable pour les populations pauvres et vivant dans les zones rurales, conséquence d'une réforme de l'hôpital truffée d'insuffisances structurelles. Cela donne lieu à un sentiment d'injustice.
Le gouvernement sénégalais est responsable des piètres résultats de santé qui découlent de ses réformes. La majeure partie des Sénégalais n'a pas recours aux services de santé officiels lorsqu'ils/elles tombent malades, parce qu'ils/elles n'ont pas d'argent pour payer les frais, même dans les hôpitaux publics. Par exemple, 68 % des populations les plus pauvres ne peuvent solliciter les services de maternité et de pédiatrie pour des raisons économiques.
Le gouvernement doit donc procéder à des réformes structurelles des soins de santé qui placent la personne au cœur du processus de réforme, et facilitent ainsi l'amélioration de la qualité des services de santé pour la population dans son ensemble, y compris les groupes les plus vulnérables d'un point de vue économique et social. De telles réformes doivent émaner des discussions publiques, notamment avec les syndicats, les organismes de société civile et les communautés.
Peu après son élection en 2012, le Président Macky Sall a promis de mettre un terme à l'inégalité d'accès aux soins de santé d'ici à 2022 grâce à la mise en place d'un programme de Couverture maladie universelle (CMU). Le Plan Stratégique 2013-2017 de Développement de la Couverture Maladie Universelle au Sénégal a été pensé pour atteindre cet objectif. Malheureusement, la stratégie n'a pas donné les résultats escomptés. Ainsi, à moins de trois ans de l'objectif fixé, il semble peu probable que ce dernier puisse être atteint d'ici à 2022, à moins que des mesures radicales ne soient prises dès aujourd'hui. Le mouvement syndical et plus particulièrement les syndicats de santé au Sénégal ont un rôle essentiel à jouer pour garantir l'avancée réelle du projet.
Les inégalités sanitaires trouvent leur origine dans les conditions sociales échappant au contrôle direct du système de santé. Ainsi, il est important de relancer le combat contre la précarité de l'existence pour les populations pauvres. Les syndicats, en lien direct avec le secteur de la santé, doivent appeler à un financement plus important des soins de santé publique et à l'arrêt de la commercialisation des services hospitaliers.
Le programme de la CMU constitue une belle occasion de réduire les inégalités sociales, mais il doit s'appuyer sur le principe des soins de santé publique de qualité pour tous et toutes. En effet, la santé est un droit fondamental humain. Les syndicats sénégalais doivent plus que jamais se placer en première ligne des campagnes pour faire respecter ce droit et pousser le gouvernement à prendre des mesures concrètes visant à régler la question des déterminants de santé sociaux, économiques et environnementaux.
Le Dr Mbaye Kamara est pharmacien et économiste spécialiste des questions de santé. Il est également Secrétaire général du SAT-Santé / CSA de l'hôpital C.H.N.E.A.R. (Hôpital national pour enfants Albert Royer), membre de la Fédération des syndicats autonomes (FSA) affiliée à l'ISP.