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Les inégalités en matière de santé en Afrique du Sud se creusent de manière critique. La 20e édition du bilan sur la santé en Afrique du Sud "South African Health Review", qui a été récemment publiée, dépeint un tableau particulièrement sombre de l’avenir si les problèmes liés au manque de financement, à la pénurie aiguë de personnel et aux vides juridiques/politiques ne sont pas résolus au plus vite et avec le sérieux nécessaire.
Au fil des ans, le système de santé publique utilisé par la grande majorité des Sud-Africain(e)s a été constamment sous-financé et a souffert d’une pénurie chronique de personnel. L’Organisation démocratique des infirmiers/ères d’Afrique du Sud (Democratic Nurses Organisation of South Africa, DENOSA), l’Association sud-africaine du personnel hospitalier (Hospital Personnel Association of South Africa, HOSPERSA) et le Syndicat national de l’éducation, de la santé et des secteurs connexes (Health and Allied Workers’ Union, NEHAWU) n’ont cessé d’appeler à l’accroissement du financement et au recrutement de personnel. Toutefois, la réponse du gouvernement s’est révélée totalement inadaptée.
Au début de l’année, le ministre de la Santé, Aaron Motsoaled, a nié le fait que le gouvernement avait gelé l’emploi et la promotion des travailleurs/euses de la santé. Or, dans le chapitre du bilan sur la santé consacré aux « dépenses de santé en temps de faible croissance économique et de restrictions budgétaires », les expert(e)s, et notamment des responsables du ministère des Finances, ont confirmé que « les restrictions liées au pourvoi des postes vacants », « à la réduction des dépenses d’infrastructure » et au retard dans les travaux d’entretien des bâtiments s’inscrivaient dans la « stratégie » du gouvernement visant à réduire les coûts dans le secteur de la santé depuis 2012-2013.
C’est la classe ouvrière pauvre, en particulier les noir(e)s (et parmi eux, principalement les femmes), qui font les frais de cette stratégie d’austérité déplorable, qui exacerbe encore plus les inégalités de genre, de race et de classe. Les 16 % de la population les plus riches utilisent le système privé, qui leur garantit des soins de santé de premier ordre et qui emploie la moitié des 270 437 infirmiers/ères du pays, car les conditions de travail y sont bien meilleures que dans le secteur public.
La quasi-totalité de la population blanche utilise le système de santé privé, tandis que 95 % des non-blancs dépendent de services de santé publics sous-financés. C’est pourquoi le gouvernement a tout intérêt à placer le peuple au-dessus du profit et à renforcer le système de santé publique, qui entre dans une véritable période de crise.
Simphiwe Gada, la présidente de la DENOSA dans la province de Gauteng, a mis l’accent sur l’impact de ce manque de financement et de la pénurie de personnel, indiquant que « la pénurie de personnel à l’hôpital Chris Baragwanath [mettait] sérieusement à mal la qualité des soins de santé reçus par les patient(e)s dans cet établissement ». Au cours des trois dernières années, 1 300 nouveau-nés sont décédés à l’hôpital Chris Baragwanath, le troisième hôpital le plus important au monde.
Les infirmiers/ères et autres professionnel(le)s de la santé doivent lutter contre des niveaux de dotation en personnel dangereusement faibles et inefficaces d’une part, et une pénurie de personnel de soutien de plus en plus importante d’autre part. Non seulement les membres du personnel doivent travailler plus longtemps, mais ils doivent également faire office de réceptionnistes, de portiers et d’agents d’entretien !
Ces cinq dernières années, les dépenses publiques par habitant en matière de soins de santé ont diminué ou stagné. De plus, tous les indices disponibles prévoient une réduction supplémentaire des dépenses de 1,3 % à 2,2 % d’ici 2019 par rapport à 2015. L’argument défendu par le gouvernement selon lequel les ressources consacrées à la santé sont épuisées à cause de la crise économique mondiale n’est pas valable.
Au début de l’année, la branche sud-africaine d’Oxfam a révélé que « la richesse de trois milliardaires sud-africain(e)s [était] égale à celle de l’ensemble de la moitié inférieure de la population du pays ». Cette révélation a eu lieu un mois à peine après que l’Assemblée générale des Nations Unies a reçu le rapport et les recommandations de la Commission de haut niveau sur l’Emploi en Santé et la Croissance économique des Nations Unies. Le Président sud-africain, M. Jacob Zuma, co-présidait cette Commission des Nations Unies aux côtés de M. François Hollande, à l’époque Président de la République française.
Les recommandations de la Commission ont jeté les bases du plan d’action « S’engager pour la santé : Plan d’action quinquennal pour l’Emploi en Santé et la Croissance économique inclusive », qui a été adopté lors de la 70e Assemblée mondiale de la Santé en mai dernier. En vue d’accélérer les progrès vers la mise en œuvre d’une couverture sanitaire universelle et la réalisation des objectifs de l’Agenda pour le développement durable, le plan d’action « S’engager pour la santé » appelle les gouvernements à garantir l’égalité d’accès à des travailleurs/euses de la santé engagé(e)s au sein de systèmes de santé renforcés, en investissant à la fois dans l’expansion et la transformation des travailleurs/euses sociaux/ales et de la santé.
Il incombe au gouvernement sud-africain de montrer la voie à suivre pour faire des recommandations de la Commission une réalité, tout en tenant compte du rôle central de la Commission dans la formulation desdites recommandations. La réduction des dépenses, le plafonnement des niveaux de dotation en personnel et les mesures d’austérité vont à l’encontre de l’esprit et de la lettre du plan d’action « S’engager pour la santé ».
Ces mesures ne pourront mener qu’au déclenchement d’une crise sanitaire pour les populations sud-africaines les plus pauvres et à l’exacerbation des inégalités sociales en Afrique du Sud.
L’Internationale des Services Publics se joint par conséquent à ses affiliés du secteur de la santé en Afrique du Sud pour appeler le gouvernement sud-africain à prendre de toute urgence des mesures fondamentales afin de relancer le système de santé publique, notamment en augmentant le financement, en pourvoyant tous les postes vacants et en embauchant davantage de personnel de santé.