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Pire encore, le budget de la santé s’oriente vers un système fondé sur l’assurance privée. Le gouvernement indien a non seulement manqué à sa promesse d’accès universel à des soins de qualité, mais il contribue en outre à la dynamique de privatisation du système de santé national.
Une plateforme réunissant les 10 centrales syndicales nationales a appelé à la grève le 17 janvier dernier. Il s’agissait du premier appel de ce genre se limitant à un secteur particulier. Bravant les menaces de compressions et de coupes du gouvernement, qui pouvaient aller jusqu’à un mois de salaire, près de 60 pour cent des effectifs ont répondu présents.
Plus de 10 millions de travailleurs sont employés au titre de projets ou de programmes gouvernementaux « temporaires » visant à fournir des services essentiels de nutrition, de santé, d’éducation et de soins à leurs communautés. Ainsi, dans le contexte de la Mission nationale pour la santé (NHM), près d’un million d’agents de santé communautaires, désignés sous le nom d’Accredited Social Health Activists ou ASHA, fournissent des services de soins maternels, néonatals et infantiles, ainsi que des services de vaccination, de planification familiale et d’autres services essentiels aux populations les plus vulnérables. Ils constituent un lien essentiel entre l’établissement de santé local et la communauté. De même, 2,7 millions d’employés de crèches maternelles (Anganwadi) dispensent des services de soins et de nutrition de l’enfant sous le couvert du Système de services intégrés pour le développement de l’enfant (Integrated Child Development Services - ICDS) et 2,8 millions de travailleurs cuisinent et servent des repas aux enfants scolarisés dans le cadre du programme de cantines scolaires Mid-Day Meal Scheme. Près de 4 millions de travailleurs sont déployés dans le cadre de dispositifs similaires.
Pourtant, ces agents communautaires ne sont pas reconnus en tant que travailleurs, et ne reçoivent ni salaire minimum, ni prestations de sécurité sociale. Au lieu de cela, ils se voient proposer des incitatifs ou des honoraires d’à peine 1 000 roupies indiennes par mois (soit 12,5 euros), pour certaines catégories de travailleurs. Et ce en dépit des recommandations de la Conférence indienne du travail, réunie en mai 2013, en vertu desquelles les agents employés au titre de tels programmes devaient être reconnus en tant que travailleurs et se voir verser un salaire minimum ainsi que des prestations de sécurité sociale, y compris des prestations de retraite.
Pourtant de nature déterminante, ces programmes gouvernementaux sont également menacés par les compressions budgétaires et les changements structurels, notamment lorsque des organismes liés à des entreprises privées, dans le secteur alimentaire par exemple, sont impliqués dans la prestation de services, lorsque l’accès à ces services devient difficile pour les populations cibles et lorsque les services universels sont remplacés par des transferts monétaires ciblés. Le gouvernement n’a montré aucun intérêt à aborder les questions soulevées lors de l’appel à la grève.
L’une des principales revendications présentées lors de la grève concernait l’octroi de crédits suffisants au profit des programmes gouvernementaux fournissant des services de base auprès des populations, de manière à offrir aux travailleurs un salaire au moins égal au revenu minimum et à délivrer des services de qualité, au moyen d’une infrastructure adéquate.
Cependant, les crédits alloués au titre du budget 2018-2019 présenté par le gouvernement central en date du 1er février n’étaient pas à la hauteur de ces attentes. En dépit des problèmes croissants d’accès aux soins de santé dans le pays, les crédits alloués à la santé ont diminué en termes réels. Pour la période 2018-2019, le gouvernement a ainsi alloué 546,67 milliards de roupies indiennes, soit une hausse d’à peine 2,5 pour cent (inférieure au taux d’inflation) par rapport aux prévisions révisées de 531,98 milliards de roupies l’année précédente. Le principal programme de santé, le NHM, en vertu duquel sont employés les ASHA, s’est vu attribuer une enveloppe inférieure au budget de l’année précédente (306,34 milliards de roupies contre 312,92 milliards de roupies l’année passée). Ce budget n’a pas tenu compte des demandes des ASHA et d’autres agents employés au titre du programme.
Alors que le NHM a vu son budget diminuer, le gouvernement a annoncé un nouveau programme phare, le National Health Protection Scheme (NHPS), également connu sous le nom de « Modicare ». Ce programme prévoit la prise en charge des frais d’hospitalisation au profit de 100 millions de foyers, jusqu’à concurrence de 500 000 roupies (6 250 euros) par an et par famille. À l’image des précédents dispositifs d’assurance financés par les deniers publics en Inde, seule l’hospitalisation est couverte pour un ensemble de procédures données, et le traitement peut être suivi dans des établissements publics ou privés. Dans la pratique, cela renforce le secteur privé. Dans l’état de l’Andhra Pradesh, par exemple, où est appliqué le plus ancien de ces dispositifs d’assurance, une grande majorité des ressources publiques (77 pour cent au cours de la période courant de 2007 à 2013) servent à financer une prise en charge suivie dans le secteur privé.
Qui plus est, la plupart des maladies infectieuses, maladies chroniques et autres problèmes de santé qui nécessitent un traitement prolongé sans hospitalisation sont exclus de la couverture, en dépit de leur prévalence au sein de la population (25 pour cent du budget de l’Andhra Pradesh ont servi à couvrir 2 pour cent de la charge de morbidité). Ce faisant, les ressources publiques sont délibérément écartées des établissements de soins primaires et secondaires déjà négligés, pour être dirigées vers des établissements de soins de santé tertiaires où le secteur privé prédomine.
Ainsi, les crédits attribués ne permettent pas de répondre aux demandes des travailleurs, et le gouvernement débloque des ressources publiques afin de renforcer un secteur privé de la santé déjà dominant, en lui assurant une clientèle régulière au travers du « premier programme de soins de santé financé par le gouvernement ».
Cette stratégie de privatisation détournée a fait l’objet de critiques de la part de la communauté progressiste de la santé publique en Inde. La plateforme syndicale représentant les agents employés au titre du programme envisage d’autres actions revendicatives et mobilisations en vue d’instaurer une plateforme plus vaste de lutte contre la menace pesant sur les services essentiels. Les prochaines étapes devront probablement s’appuyer sur des stratégies de mobilisation au niveau de l’État. La première Convention nationale de l’United Nurses Association (UNA), un affilié de l’ISP qui lutte contre les bas salaires et l’emploi informel dans les hôpitaux privés et publics, est programmée le 25 février. Autre conséquence de la négligence à l’égard des équipements public, l’informalisation de l’emploi gagne du terrain dans les hôpitaux publics. D’autre part, le rôle dominant du secteur privé concourt à la non-application des lois existantes, y compris la législation du travail, dans les établissements privés.
Mais tant que ces différents mouvements s’opèreront de manière isolée, leur impact restera limité. De vastes coalitions et des stratégies communes sont nécessaires en vue de faire échouer les plans d’un gouvernement qui s’est engagé sur la voie d’un démantèlement généralisé des services publics.
Pour en savoir plus
Cet article est extrait de Bulletin d’information « Droit à la Santé », numéro 04 (avril/mai 2018). Abonnez-vous au bulletin. Envoyez-nous vos articles.