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L'ISP dénonce régulièrement le fait que les institutions financières internationales (IFI) contribuent à saper le droit à la santé, en particulier dans les pays à revenus faibles et intermédiaires. Un rapport intitulé De mauvaises conditions : la conditionnalité des emprunts au FMI et leur impact sur le financement de la santé, publié à la fin de l'année dernière par le Réseau européen sur la dette et le développement (Eurodad) confirme ce point de vue, tout en attirant l'attention sur le fait que ces mauvaises pratiques pourraient encore s'aggraver.
Cette étude d'Eurodad s'est focalisée sur la pratique du Fonds Monétaire International (FMI) qui consiste à assortir ses prêts de conditions, en particulier dans les pays touchés par une crise. Il s'est penché sur les conditions imposées aux prêts du FMI dans 26 programmes nationaux approuvés en 2016 et 2017. Ces résultats ont été comparés à ceux d'une précédente étude du Réseau concernant des programmes du FMI approuvés entre 2011 et 2013.
Contrairement à la volonté affichée par le FMI de cadrer ces conditionnalités et de les limiter à des considérations liées à la résilience macro-critique, les conditions posées aux prêts et révisions de prêts se sont renforcées. L'ensemble des 26 programmes posaient 227 conditions quantitatives (soit une moyenne de 8,7 par programme) et 466 conditions structurelles (soit une moyenne de 17,9 par programme). Le nombre moyen de conditions par prêt entre 2011 et 2013 était de 19,5.
Les conditions quantitatives posées aux prêts du FMI, également appelées critères de réalisation quantitatifs par l'institution « concernent les variables macroéconomiques sous le contrôle des autorités, telles que les agrégats de la monnaie et du crédit, les réserves internationales, les soldes budgétaires ou l'emprunt extérieur. Les conditions structurelles ou repères structurels concernent les réformes économiques qui nécessitent le recours à la loi et des ajustements politiques importants.
Ces conditionnalités minent la souveraineté des pays qui reçoivent l'aide du FMI. Elles ont tendance à promouvoir des mesures d'austérité, accompagnées de coupes budgétaires pour les services publics, tels que les services de santé.
Le rapport d'EURODAD souligne aussi le fait suivant :
« Les conditionnalités du FMI impactent les systèmes de santé et l'accès aux services de santé de bien des façons, en particulier par les paiements au titre du service de la dette, par la réduction des déficits budgétaires et les limitations à l'embauche dans le secteur public. »
Une grande partie des fonds nécessaires aux services de santé sont réservés aux paiements au titre du service de la dette. Et pour respecter les objectifs de déficit budgétaire fixés dans les conditionnalités quantitatives, les gouvernements sont obligés de restreindre les dépenses de santé publique. De fait, la « consolidation financière » (euphémisme pour décrire les mesures d'austérité) est clairement expliquée dans les objectifs, politiques et stratégies du programme pour 23 des 26 pays.
La logique néolibérale permanente qui imprègne les prêts consentis par le FMI empêche d'atteindre les Objectifs de Développement Durable. La santé est un secteur fondamentalement lié à la pauvreté, qui est particulièrement vulnérable à la réduction des dépenses. Le FMI considère généralement les dettes contractées par les pays les moins développés en tenant peu explicitement compte du lien qui unit la dette et l'atteinte d'objectifs de développement social en termes macroéconomiques.
En comparant l'impact des programmes du FMI dans 21 pays pendant vingt ans, les chercheurs ont démontré en 2008 que les conditionnalités imposées par le FMI sont associées à une dégradation des résultats en termes de santé. En 2015, il a été établi qu'avoir donné la priorité aux paiements de la dette plutôt qu'à l'investissement pendant des décennies a nettement contribué à l'ampleur de l'épidémie d'Ebola en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone. Les services de santé ont manqué cruellement d'investissement, y compris les infrastructures de santé publique, sapant la capacité à anticiper les crises dans des systèmes de santé déjà fragiles. Le résultat se chiffre à 11 315 vies humaines perdues.
Le FMI ne peut pas être autorisé à continuer de promouvoir de mauvaises conditionnalités pour ses prêts. Un profond changement s'impose dans l'approche adoptée. L'ISP partage les préconisations politiques faites par EURODAD : laisser une plus grande marge de manœuvre budgétaire en restructurant la dette comme première option, et montrer plus de respect pour l'appropriation démocratique par les états de leurs instruments politiques.
Les prêts du FMI ont pour objet d'aider les pays membres à remédier aux problèmes de balance des paiements, à stabiliser leur économie et à restaurer une croissance économique durable. Les pays se tournent donc vers les IFI lorsqu'ils rencontrent des problèmes économiques. Mais relever les défis économiques ne doit pas se faire au détriment de l'intérêt social. Il est impossible d'envisager un meilleur avenir sans faire que la santé soit un droit humain fondamental. C'est le peuple, et non le profit, qui doit être au cœur du développement pour qu'il soit à la fois durable et humain.
Il faut donc que les évaluations par le FMI de la viabilité de la dette soient complétées par des évaluations indépendantes de l'impact sur les droits humains. Cela permettra d'apprécier les conséquences du poids de la dette et de s'assurer qu'elles sont restructurées pour que les pays puissent atteindre les Objectifs de Développement Durable tout en remplissant leurs obligations envers le peuple en termes de droits humains.