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Solutions alternatives aux PPP – de multiples cas de déprivatisation

9 Juillet, 2018
Source: 
ISP
Extrait du rapport de la société civile "Pleins feux sur le développement durable 2018" (Spotlight on Sustainable Development 2018) - le nouveau rapport mondial évalue les obstacles et les contradictions dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030.

Les services publics de qualité résident au cœur d'une société juste et d'une économie solide. Ils rendent nos communautés et nos économies plus équitables, les renforcent face aux crises et aux catastrophes et protègent les plus jeunes, les personnes malades, sans emploi, handicapées, âgées et vulnérables. Les services publics de qualité comptent au nombre des principaux mécanismes permettant à l’État de respecter ses engagements en matière de concrétisation des droits de l’homme, d’égalité entre les genres et de justice sociale. Ils sont essentiels à la mise en œuvre des objectifs et des cibles de l’Agenda 2030, y compris de l’ODD 9 sur la construction d’une infrastructure résiliente.

Les services publics de qualité soutiennent l’économie, car ils procurent une infrastructure publique, sont source de recherche et d’innovation, fournissent une main-d’œuvre saine et compétente ainsi que des institutions de justice et de régulation fortes, stables et inclusives. Pour être universellement disponibles et accessibles, les services publics de qualité doivent être accessibles à tous, sans discrimination aucune, et garantis par un droit juridiquement exécutoire. La plupart des services publics sont plus efficaces et efficients lorsque l’Etat en est propriétaire et gestionnaire. Par conséquent, la majorité des services publics à l’échelle mondiale restent la propriété de l’Etat et leur gestion est publique.

La lutte contre la privatisation ne vise pas uniquement à mettre fin à la commercialisation de nos services publics. C’est aussi un combat pour le type de société auquel nous aspirons, un combat pour la justice sociale et l’équité. Nos économies sont suffisamment riches pour s’autoriser les investissements publics nécessaires, si les entreprises et les personnes très riches paient leur juste part. Le sous-investissement dans les services publics de qualité se traduit par un ralentissement de la croissance, le creusement des inégalités, une moindre cohésion sociale et par l’inévitable réaction politique dont l’exploitation alimente le racisme, le nationalisme et la xénophobie.


Les services publics dans le viseur de la privatisation

Toutefois, les bénéfices éventuels réalisés par les services publics, associés à trois décennies de propagande néolibérale généralisée, placent les services publics dans le viseur de la privatisation par des entreprises en quête de profit. A lui seul, le secteur de la santé valait à lui seul plus de 7 000 milliards de dollars américains en 2013, soit  environ 10 pour cent du produit intérieur brut (PIB) mondial, avec une progression de 5 pour cent par an. On estime que l’éducation se chiffre à 3 000 milliards de dollars américains. L’eau est l’une des ressources les plus importantes sur la planète et offre un potentiel intéressant. (voir le Spotlight sur l’ODD 6 dans ce rapport).

Ceux qui cherchent à tirer profit de la privatisation alimentent de nombreux mythes. Lorsque la privatisation est devenue une responsabilité de relations publiques dans les années 90, les entreprises ont commencé à promouvoir les partenariats public-privé (PPP). A mesure que les organisations de la société civile et les syndicats travaillent à dénoncer les PPP, leurs stratégies évoluent, s’aidant d’outils nouveaux et tout aussi dangereux qui ne cessent de se développer.

Ces dernières années, le secteur des entreprises a fortement investi en faveur de la privatisation des services publics. Sa stratégie consiste à instaurer un « environnement favorable » (« enabling environment ») en matière de lois et de règlements pour attirer et protéger les investisseurs privés, financiarisant l’infrastructure en tant que catégorie d’actif, ainsi que des mécanismes d’appui du gouvernement en vue de préparer un flux de projets rentables. Les Etats font de plus en plus appel aux deniers publics – y compris les taxes, les caisses de retraite et l’aide publique au développement (APD) – afin de réduire tout risque éventuel pour les investisseurs privés. Les accords commerciaux sont également utilisés pour créer un environnement favorable et verrouiller les privatisations.

La privatisation est en outre favorisée par les restrictions arbitraires imposées aux gouvernements en matière d’emprunt et de dépense. L’augmentation de la dette sert de prétexte à la privatisation des actifs publics au lieu d’exiger des entreprises et des personnes très riches qu’elles paient leur juste part d’impôts. L’ONU, le G20 et l’OCDE ont récemment appelé à intensifier les investissements privés dans les services et les infrastructures publics. Fait alarmant, de nombreux militant(e)s au sein du mouvement syndical mondial et de la société civile ont tardé à s’y opposer.

Contrairement au discours qui vante l’efficacité du secteur privé, l’un des principaux moteurs de la privatisation concerne les profits escomptés sur les suppressions d’emplois et la baisse des coûts salariaux. La privatisation sert à briser les conventions collectives syndicales, à abaisser les salaires, à dégrader les conditions de travail, à imposer le travail précaire et à détruire les syndicats.

Les Obligations à impact social (SIB) représentent la dernière mutation de la privatisation dans des domaines tels que la réadaptation des délinquants, le travail des jeunes et les services d’emploi. Elles viennent renforcer l’idée erronée selon laquelle seul le secteur privé serait en mesure d’innover. Elles convertissent des services sociaux complexes en instruments financiers qui sont difficiles à administrer, et mobilisent les ressources afin d’éliminer les symptômes des problèmes sociaux, et non les causes. Les SIB peuvent également faire baisser les salaires, remplacer les travailleurs/euses qualifié(e)s par des bénévoles et donner un nouveau visage « social » acceptable à la privatisation inacceptable des services sociaux.

La privatisation, la sous-traitance et le recours à des travailleurs/euses intérimaires ne sont pas neutres sur le plan du genre. Ils touchent de manière disproportionnée les secteurs qui connaissent un pourcentage plus élevé de femmes. Ils bloquent également l’accès aux services publics de qualité qui devraient contribuer à alléger le fardeau des travaux ménagers non rémunérés imposé aux femmes et à faciliter l’intégration des femmes sur le marché du travail (voir Chapitre 4 de ce rapport). Ils contribuent également au travail précaire qui fragilise les droits du travail et touche les femmes de manière disproportionnée. La privatisation, la sous-traitance et le recours à des travailleurs/euses intérimaires suscitent généralement des services plus coûteux et moins flexibles. Le processus d’attribution des bénéfices exceptionnels aux sociétés privées crée des conditions propices à la corruption politique et financière dont il est rarement tenu compte.

Là où la privatisation, la sous-traitance et le recours à des travailleurs/euses intérimaires ne peuvent être enrayés, la syndicalisation des travailleurs/euses dans les services privatisés est le meilleur moyen de leur offrir des salaires convenables et des conditions de travail décentes, et représente en même temps un frein important à la concurrence sur le plan salarial et à la destruction des droits des travailleurs/euses utilisés comme une force au bénéfice de la privatisation.

D'aucuns font croire aux citoyen(ne)s que l'annulation des privatisations est compliquée, voire impossible, mais ils ne prennent pas en compte les centaines d'exemples qui témoignent de renationalisations réussies de la part de gouvernements et services qui avaient fait l'objet de privatisations, bien souvent infructueuses. Les syndicats tels que l’ISP soutiennent l'annulation des privatisations, mettent en avant les exemples de réussites et aident les affiliés à promouvoir la renationalisation. Ils s’opposent aux accords commerciaux qui couvrent ou qui touchent les services publics, car ceux-ci rendent bien souvent cette renationalisation difficile, plus coûteuse, voire impossible.

Les partenariats public-public (PUP) concernent principalement le jumelage de services collectifs forts avec des services plus petits afin de résoudre ensemble les problèmes et améliorer la qualité de service, notamment grâce au transfert de compétences techniques, tout en préservant l’emploi décent. Quand les gouvernements ne renouvellent pas les contrats avec les opérateurs privés ou y mettent fin de façon anticipée, les PUP constituent un moyen viable de bénéficier d’une expertise.

De New Delhi à Barcelone, de l’Argentine à l’Allemagne, des milliers d’hommes et de femmes politiques, d’agents de la fonction publique, de travailleurs/euses, de syndicats et de mouvements sociaux reprennent possession des services publics ou en créent de nouveaux - y compris concernant l’infrastructure - afin de répondre aux besoins fondamentaux des citoyen(ne)s et de faire face aux défis environnementaux. Ils le font le plus souvent à l’échelle locale.


Tendance grandissante à la (re)municipalisation

Un récent rapport intitulé « Remunicipalisation » (« Reclaiming Public Services »), préparé par le Transnational Institute et publié conjointement par plusieurs organisations à travers le monde[1] offre une vue approfondie des nouvelles initiatives en matière de propriété publique autour du globe et présente les différentes manières d’aborder la renationalisation.[2] Il montre qu’au moins 835 (re)municipalisations de services publics se sont produites à travers le monde depuis l’an 2000, impliquant plus de 1 600 municipalités dans 45 pays.

Pourquoi les citoyen(ne)s du monde entier partent-ils/elles à la reconquête des services essentiels qui se trouvent entre les mains des gestionnaires privés ? Leurs motivations sont nombreuses : mettre un terme aux abus du secteur privé, reprendre le contrôle de l’économie locale, fournir aux personnes des services qui soient abordables ou appliquer des stratégies environnementales ambitieuses.

La remunicipalisation a lieu dans des petites villes comme dans des capitales, suivant différents modèles de propriété publique et impliquant à divers degrés les citoyen(ne)s et les travailleurs/euses. On assiste toutefois à l’émergence d’un ensemble cohérent : créer des services publics efficaces, démocratiques et abordables n’est pas chose impossible.

Nous pouvons dire non à des services toujours plus médiocres et de plus en plus chers. Un nombre grandissant de citoyen(ne)s et de villes tournent la page de la privatisation pour remettre les services essentiels entre les mains du secteur public. Les conclusions générales du rapport peuvent être résumées en 10 points :

  1. La privatisation n’est pas la meilleure solution
  2. La remunicipalisation est bien plus courante qu’on ne le croit, et ça marche
  3. La remunicipalisation est une réponse locale à l’austérité
  4. La remunicipalisation est une stratégie essentielle de la transition énergétique et de la démocratie énergétique
  5. Au bout du compte, les autorités locales payent moins cher en reprenant la gestion en interne des services
  6. La remunicipalisation améliore la qualité et le caractère démocratique des services publics
  7. La remunicipalisation présente 835 raisons supplémentaires de refuser les accords de commerce et d’investissements
  8. Enseignement à retenir : mieux vaut ne pas privatiser dès le départ
  9. La remunicipalisation crée des opportunités pour des formes nouvelles, diversifiées et démocratiques de propriété publique
  10. Les villes et les groupes de citoyen(ne)s engagés dans la remunicipalisation travaillent ensemble et forment des réseaux


Références

Kishimoto, Satoko/Petitjean, Olivier, éd. (2017) : Remunicipalisation Comment villes et citoyens écrivent l’avenir des services publics

Amsterdam et Paris.

www.tni.org/reclaiming-public-services


[1] Publié par le Transnational Institute (TNI), l’Observatoire des multinationales, la Chambre fédérale autrichienne du travail (Austrian Federal Chamber of Labour, AK), la Fédération Syndicale européenne des Services Publics (FSESP), les Ingénieurs sans frontières Catalogne (Ingeniería Sin Fronteras Cataluña, ISF), l’Internationale des Services Publics (ISP), l’Unité de recherche de l'Internationale des Services Publics (Public Services International Research Unit, PSIRU), We Own it, le Syndicat norvégien des employés municipaux et généraux (Norwegian Union for Municipal and General Employees, ou Fagforbundet), le Projet pour les services municipaux (Municipal Services Project, MSP), le Syndicat canadien de la fonction publique (Canadian Union of Public Employees, CUPE).

[2] Kishimoto/Petitjean, éd. (2017).

 

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Voir aussi