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Article de Rosa Pavanelli*
Si nous devons tirer une conclusion générale des nombreuses crises politiques de ces dernières années, il ressort clairement que de nombreuses personnes ne font plus confiance aux élites. Il est difficile de concevoir un retournement de situation tant que les journaux raffoleront des scandales de stars et que les médias s’intéresseront davantage aux histoires de type « 15 minutes de gloire » plutôt qu’aux vraies histoires des travailleurs/euses.
Dans la presse traditionnelle, les travailleurs/euses et les syndicats sont souvent considéré(e)s comme des obstacles sur le chemin du progrès, ou des « anti-tout ». Nous avons peut-être gagné ce portrait médiatique à cause de notre opposition de longue date à la mondialisation néolibérale ainsi qu’à la stagnation des salaires et à l’exacerbation des inégalités qui en découle.
Toutefois, cette vision étriquée ne tient compte ni des réalisations quotidiennes, ni des victoires de la classe ouvrière. En effet, si une grève est encore médiatisée, nous ne trouverons rien dans la presse sur l’infirmier/ère ou le pompier qui a sauvé une vie, ni sur l’enseignant(e) qui a réalisé des miracles avec un élève difficile.
Nous sommes des syndicats et notre légitimité n’a qu’une seule source : nos membres, nos travailleurs/euses, dans l’intérêt desquel(le)s nous agissions. C’est notre devoir de faire en sorte que leur voix soit entendue dans les débats.
C’est pourquoi l’Internationale des Services Publics (ISP) a choisi la fête du travail pour lancer One Day – une série de films sur le monde du travail, qui présente les réalisations extraordinaires de travailleurs/euses du secteur public ordinaires aux quatre coins du monde.
Mettant en scène 16 histoires de travailleurs/euses dans neuf pays (Philippines, Japon, Indonésie, Italie, Etats-Unis, Tchad, Liban, Guatemala et Brésil), ces films illustrent la façon dont les travailleurs/euses de première ligne luttent contre la privatisation, l’austérité et le néolibéralisme et mettent en avant les campagnes en faveur des droits syndicaux, de la préparation aux catastrophes et de l’accès à des services publics de qualité [regarder la bande-annonce].
Bien que leurs histoires soient différentes, ces travailleurs/euses des services publics servent un même objectif : améliorer la vie au sein de leur communauté, et pas seulement pour les plus riches. Nous découvrons, entre autres, l’histoire du docteur Younous, au Tchad, qui lutte non seulement pour sauver la vie de ses patient(e)s, mais également contre le régime dictatorial. Nous écoutons la Japonaise Reina Aoki, qui lutte contre les incendies et pour ses droits syndicaux, ainsi que Georges, qui se bat au Liban pour approvisionner sa communauté en eau et pour les droits des réfugié(e)s.
Nous rencontrons rarement ce genre de récit dans les médias et il est certain qu’aucun reportage ne leur sera consacré au journal du soir. Et c’est précisément la raison pour laquelle il est si important de les raconter.
C’est à nous d’élever nos voix et de faire entendre celle des travailleurs/euses du secteur public de par le monde, d’autant qu’il est de notoriété publique qu’ils/elles ne cessent d’être menacé(e)s.
En Turquie, par exemple, plus de 152 000 fonctionnaires ont été licencié(e)s et accusé(e)s de terrorisme ces 18 derniers mois. Lami Özgen, coprésident de la Confédération des syndicats de fonctionnaires KESK de 2011 à 2017, a été forcé de quitter le pays à cause de cette situation injuste, après avoir écopé d’une peine de prison en raison de ses activités syndicales.
L’Algérie nous offre un autre exemple : son gouvernement refuse d’octroyer le statut juridique aux syndicats indépendants, notamment à la CGATA et au SNATEGS, deux affiliés de l’ISP.
Ou encore le Zimbabwe, où 16 000 infirmiers/ères ont été licencié(e)s il y a quelques jours à peine pour avoir organisé une grève tout à fait légitime. Ce licenciement en masse exerce un impact direct sur l’Association des infirmiers/ères du Zimbabwe (ZINA), un affilié de l’ISP.
Il n’est pas uniquement question de représentation dans les médias. Avec ces histoires, nous renforçons la solidarité en montrant que des travailleurs/euses comme Georges, Reina et Younous livrent les mêmes combats et célèbrent les mêmes victoires. Nous pouvons choisir d’offrir une vision positive et humaine du militantisme syndical, une vision qui se trouve à la base même de notre mouvement.
Au plus l’élite et les experts s’efforceront « d’expliquer » à la classe ouvrière la raison pour laquelle les choses sont telles quelles, au moins nous les écouterons. Il est temps pour eux/elles de céder la place. Il est temps de raconter l’histoire des travailleurs/euses.