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A l’heure où une nouvelle session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU est sur le point de s’ouvrir, tout ne file pas droit

01 Mars 2016
La police coréen enlève une manifestante
La 31e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDH) a débuté le 29 février. Durant quatre semaines, les représentant(e)s des 47 Etats membres, qui sont élu(e)s par l’Assemblée générale des Nations Unies, débattront des violations des droits humains perpétrées dans certains pays, et émettront des recommandations.

Cet événement passerait pratiquement inaperçu aujourd’hui si, une nouvelle fois encore, ce n’était pas un pays peu respectueux des droits humains qui en exerçait la présidence. Cette année, c’est en effet Choi Kyong-lim, représentant de la mission permanente de la République de Corée auprès de l’Office des Nations Unies et autres organisations internationales à Genève, qui en est à la tête.

Alors que M. Choi préside les sessions du CDH, le Président de la Confédération syndicale coréenne (KCTU), M. Han Sang-gyun, ainsi que 14 autres syndicalistes, se trouvent derrière les barreaux en raison de leurs activités syndicales. Huit chefs d’accusation sont actuellement retenus contre eux/elles, notamment « entrave particulière au devoir public », « destruction particulière de biens publics », « obstruction générale à la circulation », « refus d’obtempérer aux ordres de dispersion », « organisation d’un rassemblement dans un lieu interdit », et « violation de l’article 11 de la loi sur le rassemblement et la manifestation (lieux interdits pour les rassemblements ou manifestations extérieurs). Ils/elles sont tou(te)s en attente de leur procès.

En date du 16 février, 496 autres syndicalistes ont été cité(e)s à comparaître pour leur participation à la manifestation de Séoul du 14 novembre 2015, tenue en protestation contre les réformes de travail régressives qui mèneront à l'expansion du travail précaire et l'aggravation des droits et des conditions du travail, surtout dans le secteur public. 446 personnnes font l’objet d’une enquête pour violation de la loi sur le rassemblement et la manifestation et « obstruction générale à la circulation ».

Au lendemain de sa dernière visite en République de Corée, M. Maina Kiai, le Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit de réunion pacifique et d’association, a souligné qu’il avait remarqué

« une tendance à la régression progressive des droits de réunion pacifique et d’association [...]. Même les tribunaux, qui sont toujours supposés interpréter la loi en faveur des droits, ont récemment eu tendance à restreindre ces droits plutôt qu’à les promouvoir. »

D’après le Rapporteur spécial, même si ces droits ne sont pas vraiment populaires aux yeux de la population qui ne les exerce pas, « ils offrent aux personnes opprimées un moyen de s’engager et de s’investir dans la société, et nous permettent avant tout d’exprimer nos désaccords de manière pacifique – bien que désordonnée ». Au regard des syndicalistes incarcéré(e)s, il a en outre indiqué que « les organisateurs de rassemblements pacifiques ne devaient en aucun cas être tenus responsables des actes criminels des autres, comme cela semble être le cas pour M. Han Sang-gyun et M. Park Lae-goon ». Ce dernier est par ailleurs membre de la coalition 4.16 qui exige la mise en place d’une commission d’enquête indépendante pour le naufrage du ferry « Sewol », survenu le 16 avril 2014.

Revenant sur la dérégistration récemment prononcée à l’encontre du Syndicat coréen des enseignant(e)s et travailleurs/euses de l’éducation (KTU), qui a gardé neuf enseignant(e)s licencié(e)s parmi ses membres, M. Kiai a ajouté que « la législation internationale sur les droits humains spécifie clairement que la dissolution d’un syndicat ne peut se produire que dans des cas extrêmement graves, en tant que mesure de dernier recours. D’après moi, le cas du KTU ne répondait pas à ces critères. » Il est également intéressant de mentionner que le gouvernement coréen  continue de nier la liberté syndicale à d'autres organisations, dont le Syndicat des fonctionnaires (KGEU) et l'association des pompiers, FFCD.

Enfin, lors de ses discussions avec le gouvernement, il a observé « une indifférence palpable au regard de la capacité des travailleurs/euses à s’organiser », et a ajouté que « le ministère du Travail [lui avait] fait part de sa “neutralité” à l’égard des syndicats. Néanmoins, la neutralité ne suffit pas en vertu du droit international. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR) précise clairement que les Etats doivent adopter des mesures positives en vue de protéger et de favoriser la jouissance des droits fondamentaux. » Le Rapporteur spécial a exhorté le gouvernement d’ériger cette situation au rang de priorité et a recommandé la ratification immédiate des Conventions 87 et 98 de l’OIT, ainsi que l’annulation de la réserve émise à l’encontre de l’article 22 de l’ICCPR – autant de mesures déjà recommandées à de nombreuses reprises par les mécanismes internationaux en matière de droits humains.

Rosa Pavanelli, Secrétaire générale de l’ISP, qui prendra part à une mission internationale en République de Corée dans les semaines à venir, a quant à elle souligné

« qu’il est tragique qu’au XXIe siècle, nous assistions encore à des actes de répression brutale telle que celle orchestrée par les autorités coréennes à l’encontre de leurs propres citoyen(ne)s, simplement parce qu’ils/elles mènent des activités syndicales légales. Un pays qui se revendique “démocratique” ne peut user de pratiques qui s’apparentent à celles d’un régime totalitaire. »

La République de Corée n’est pas le seul pays membre du CDH à aussi peu respecter les droits humains et syndicaux. En effet, l’Algérie, le Bangladesh, la Chine, El Salvador, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis en sont également membres, et ce, jusqu’au 31 décembre 2016.

C’est précisément l’Arabie saoudite qui a suscité la controverse et provoqué de vives réactions de la part des organismes de défense des droits humains du monde entier lorsqu’elle a été élue membre du CDH en 2013 pour la période 2014-2016, tant au regard de son élection que de la manière dont les négociations ont été menées. Des entretiens diplomatiques, rendus publics par Wikileaks et largement relayés par les médias, ont révélé le soutien mutuel entre le Royaume-Uni et l’Arabie saoudite, ainsi que la façon dont cette dernière a transféré 100 000 USD pour « des dépenses résultant de la campagne en faveur de la candidature du Royaume au Conseil des droits de l’homme pour la période 2014-2016 ».

Ironiquement, le Conseil a succédé en 2006 à la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, critiquée pour ses procédures d’adhésion et de vote douteuses.

Il y a quelques semaines, lors de l’ouverture de la 16e session du Comité consultatif du Conseil des droits de l´homme (composé de 18 expert(e)s qui forment le « groupe de réflexion » du Conseil), M. Choi a annoncé que « le dixième anniversaire du Conseil serait l’occasion de dresser un bilan, de réfléchir aux défis posés et d’échanger sur la marche à suivre à l’avenir ». Peut-être faudrait-il – une nouvelle fois encore – remplacer cet organe de défense des droits humains par un nouveau, qui afficherait une fois pour toutes une morale à l’image de cette cause.

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