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Déclaration de Castries sur la viabilité de la dette et le financement du développement

12 Juillet 2018
Les affiliés de l’ISP dans la sous-région des Caraïbes ont adopté une déclaration commune sur la viabilité de la dette et le financement du développement, à Castries, Sainte-Lucie, le 5 juillet.

L’ISP a organisé à Castries un atelier sur la viabilité de la dette, avec la participation de Jubilee USA Network et de Jubilee Caribbean, qui a été l’occasion d’examiner des études de cas et de débattre de l’impact de la dernière saison cyclonique. Les affiliés de l’ISP ont également pu en apprendre davantage sur le travail en cours de partenaires de coalition potentiels. L’événement s’inscrit dans le cadre des travaux de l’ISP sur le financement du développement et le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Un groupe de travail sera mis en place afin d’élaborer un plan de travail destiné à appuyer les affiliés dans la région.

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Déclaration de Castries sur la viabilité de la dette et le financement du développement
Adoptée par la Commission consultative sous-régionale de l’ISP pour les Caraïbes, Sainte-Lucie, 4-5 juillet 2018

INTRODUCTION // Selon les projections, si le niveau de la dette suit sur son cours actuel, il atteindra d’ici 2020 un niveau insoutenable dans onze États des Caraïbes, comptant parmi les 20 États les plus endettés au monde, et aucun changement n’interviendra d’ici 2030 lorsque le Programme de développement des Nations Unies parviendra à son terme.

Les conséquences des crises de la dette souveraine sont dévastatrices. Elles comprennent généralement des coupes dans les services de santé, d’éducation et autres services sociaux, des privatisations, le chômage, une diminution des salaires et une dégradation des conditions de travail, une diminution des retraites, la hausse des taxes régressives sur la main-d’œuvre et les consommateurs et la mise à mal de la démocratie à mesure que s’accentue la dépendance des gouvernements souverains vis-à-vis des institutions financières telles que la Banque mondiale et le FMI (IFI) et des conditions qu’elles imposent.

Les grands discours reprochant aux pays d’être indisciplinés et aux individus de vivre au-dessus de leurs moyens se vérifient rarement. Plus souvent, la dette souveraine résulte de l’incompétence politique et/ou de la corruption des gouvernements, ainsi que de leur action visant à protéger les intérêts des élites nationales et mondiales. Les créanciers assument également une part de responsabilité dans la création de niveaux d’endettement insoutenables. En outre, les gouvernements des pays les plus riches ne parviennent pas à imposer des règles internationales qui obligeraient leurs multinationales à payer des impôts dans les pays où elles opèrent.

Malheureusement, les mesures d’austérité prescrites par les IFI et les créanciers aggravent les problèmes. Les leçons tirées des expériences en Afrique, en Amérique, et plus récemment en Grèce et à Porto Rico, montrent les effets néfastes de l’austérité sur la stabilité et la croissance à long terme.  Pour le Fonds monétaire international (FMI), l’endettement insoutenable est la principale raison du creusement des inégalités et de l’augmentation des taux de pauvreté. Les États et territoires des Caraïbes se heurtent à des politiques d’austérité ainsi qu’à une progression des taux de chômage et de pauvreté alors même qu’ils s’efforcent d’éviter les défauts de paiement et de renégocier leurs dettes élevées.

DISCUSSION // La réunion sur la viabilité de la dette et le financement du développement nous a permis d’entendre les témoignages intenses d’affiliés de l’ISP dans la région, qui ont très clairement fait ressortir le caractère central de la question de la restructuration de la dette dans les préoccupations du mouvement syndical. Lorsque la perspective de défaut de paiement se fait plus menaçante, elle plane telle une épée de Damoclès au-dessus des services publics et du financement adéquat des biens publics. Il a été noté que l’ampleur considérable de la dette souveraine qui affecte de nombreux pays des Caraïbes n’est autre que le fruit de mauvais accords de crédit passés, de taux d’intérêt élevés et de décisions politiques récentes qui ne font qu’aggraver la situation en multipliant les partenariats public-privé, tant dans le secteur de l’infrastructure que dans la prestation de services.

La crise de la dette s’est exacerbée sous l’effet des catastrophes naturelles à répétition, dans une mesure telle qu’il devient plus difficile encore de se prémunir des futurs ouragans et autres situations d’urgence. Dans un contexte marqué depuis plusieurs décennies par le déclin du financement des services publics et l’insuffisance de l’investissement en matière d’infrastructure, ces États caribéens se sont affaiblis et il est aujourd’hui plus difficile pour eux de répondre aux défis du changement climatique, alors même qu’il devient toujours plus coûteux de se remettre de ces terribles événements. Les mesures de restructuration de la dette proposées par les IFI auront pour corollaire immédiat un nouveau cycle de « définancement », marqué par les coupes dans les services publics et la dégradation des conditions de travail. Alors que la dernière saison cyclonique a été décrite comme l’une des plus violentes de l’histoire contemporaine, les prévisions des experts font état d’évènements toujours plus intenses.

Certaines îles, comme la Dominique et la Barbade, ont subi d’importants dommages tandis que d’autres ont été moins touchées. Dans chacun de ces pays, les services publics sont menacés et il est nécessaire de répondre au mantra néolibéral de la privatisation et aux vaines promesses des PPP. Pour la plupart, les États des Caraïbes sont des pays à revenu intermédiaire et élevé qui, dès lors, ne peuvent prétendre au financement concessionnel. Conjugué à une faible croissance, à une marge budgétaire étroite et à des opérations de change déficitaires, le service d’une dette élevée exerce des répercussions négatives sur le développement durable.

L’ISP et ses affiliés entrevoient l’avenir différemment. La politique doit évoluer, de façon à s’orienter vers les droits de l’homme en attribuant aux services publics un rôle clé, en plaçant le peuple au-dessus du profit et en assurant un développement centré sur l’individu. Les gouvernements se doivent de considérer avec sérieux les engagements pris au titre des pactes mondiaux et d’assumer leur part de responsabilité, plutôt que de céder aux intérêts d’une minorité.

Des mesures telles que la résistance face aux pressions exercées par un petit nombre de multinationales dans chaque secteur, le suivi de leur performance dans d’autres pays et régions, l’analyse des forces motrices de la privatisation et les PPP sont au cœur-même de cette stratégie. Nous devons surveiller de près et analyser les accords de PPP en cours touchant le domaine de l’eau, les aéroports, les prisons et d’autres secteurs, ce qui implique par ailleurs d’évaluer l’impact social et budgétaire de ces arrangements. Il nous faut appréhender de manière globale les politiques financières, fiscales et commerciales requises afin de défendre et promouvoir des services publics destinés à l’ensemble de la population, et fournis par les acteurs publics – ce qui inclut de promouvoir des systèmes d’imposition fiscale progressive et de veiller à ce que tous les acteurs économiques acquittent ici leur juste part, comme le précise sans détour le Programme d’action de l’ISP adopté lors du Congrès en novembre 2017.

Les affiliés de l’ISP reconnaissent la contribution constructive apportée par Jubilee USA Network et Jubilee Caribbean à la réunion, et leur proposition relative à l’allègement de la dette en réponse à la crise. L’allègement de la dette peut permettre un accès immédiat aux ressources, qui sont déjà entre les mains des autorités et ne nécessitent donc pas d’être mobilisées au travers de longues manœuvres d’appel de fonds. Normalement, ces ressources sont d’ailleurs déjà réservées au service de la dette dans les budgets nationaux et seraient débloquées en faveur des opérations de secours d’urgence et de reconstruction uniquement en cas de besoin évident et incontestable.

Le processus implique deux mécanismes d’allégement de la dette, qui répondraient à deux dimensions de la crise : un moratoire du paiement de la dette qui permettrait aux créanciers extérieurs d’accéder directement à toutes les ressources du gouvernement consacrées aux opérations de secours d’urgence, et un cadre préconçu destiné à restructurer l’encours global de la dette publique extérieure de façon à laisser suffisamment de marge budgétaire pour la reconstruction à moyen terme, en partant du principe que le pays ne connaitra pas à nouveau une situation d’endettement grave au cours de la prochaine crise attendue dans un délai statistique moyen.

CONCLUSION // Dès lors, les affiliés de l’ISP déclarent être engagés à élaborer une réponse à la fois nationale, locale et mondiale à la question de la viabilité de la dette, qui mettra l’accent sur le renforcement des capacités, le plaidoyer et la constitution de coalitions dans la perspective suivante : procéder à des audits de la dette souveraine ; proposer des solutions alternatives à la restructuration de la dette ; et y associer des réformes en faveur de l’imposition fiscale progressive et des plans de développement économique. La démarche suppose le développement des compétences, l’établissement de partenariats avec des organismes partageant les mêmes idées et valeurs et le renforcement des groupes de jeunes travailleurs au sein des syndicats.

Les mesures en faveur de la viabilité de la dette doivent inclure un dispositif législatif visant à garantir la responsabilité et l’obligation de rendre compte en matière de budget, la réduction de la dette pour les créanciers privés et pour ceux qui ont été écartés du processus, des plans de prévention de l’austérité et de lutte contre l’évasion fiscale des professionnels et des entreprises dans une optique de protection de l’emploi dans le secteur public. Nous visons une forte implication dans les négociations au niveau du FMI et des gouvernements, en faisant pression auprès des ambassadeurs des Caraïbes, des ministres des Finances et des Premiers ministres.

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